vendredi 26 juin 2009

le mouvement perpétuel indonésien


Agus, 40 ans, est professeur à l'université de Mataram. Spécialisé dans l'aménagement des ports et des plages (de l'hydraulique du littoral, dirons-nous). Je l'ai connu par l'intermédiaire de son frère Herwin, moniteur de plongée, et propriétaire présumé d'un terrain sur l'île de Moyo, où nous avions rêvé, l'an dernier, de monter des bungalows, un centre de plongée...

Depuis une semaine, je loge chez Agus mais, ce matin, à 7 heures, au petit-déjeuner, il m'annonce qu'il a inventé le mouvement perpétuel ! Enfin, pas vraiment. Il a reçu un formulaire à renvoyer à une association qui soutient des projets verts et dont il a, me dit-il, reçu l'accord de principe. Ah, projet vert ! En Indonésie, ce n'est pas si courant ! De quoi s'agit-il ?

Il veut produire de l'électricité. Je comprends qu'il s'agit d'hydroélectricité et je demande des détails : sur une rivière ? l'énergie des vagues ? Agus attrape une feuille blanche, me dessine un réservoir d'eau, une pompe qui envoie l'eau verticalement dans une canalisation, un coude redirige l'eau vers le bas, elle se jette sur une turbine (roue à aubes) pour terminer sa course dans le réservoir initial ; la turbine entraîne la pompe et un alternateur qui produit de l'électricité.

Je suis scotché à mon fauteuil ; j'ai sans doute mal compris.

- Tu produis de l'électricité à partir d'un circuit fermé d'eau, Agus ?
- Oui, c'est cela.
- Mais, Agus, tu ne peux pas tirer d'énergie d'une "boite fermée" dont l'état est inchangé dans le temps : l'eau tourne sans, globalement, modification d'altitude ou de vitesse ; il n'y a pas de réaction chimique ou nucléaire modifiant l'état de l'intérieur de la boite...
Je lui dis :
- Agus, on ne peut pas produire d'énergie à partir de rien : tout se transforme, rien ne se crée ! L'homme a rêvé au mouvement perpétuel depuis longtemps mais le débat a été clos il y a quelques centaines d'années. Non seulement tu crées un mouvement perpétuel, mais, en plus il produit de l'énergie : encore mieux !
- Je lance la roue à vitesse suffisante pour compenser les pertes. Après la pompe, un rétrecissement du tuyau produit un effet d'accélération (NDLA : effet Venturi) qui envoie l'eau avec plus de force sur la roue.
- Agus, ton système ne produit pas d'énergie, il en consomme. Sans même d'alternateur, l'eau, la roue, et la pompe vont ralentir puis s'arrêter. Imagine un tuyau en rond dans lequel on arriverait à mettre l'eau en mouvement, c'est ton principe : de l'eau qui tourne. Sans pompe, sans turbine, tout simple. Eh bien, que se passerait-il ? Au bout d'un moment, à cause des frottements, l'eau s'arrêterait de tourner. Sans avoir rien produit comme énergie que de la chaleur due au frottement : de l'énergie "perdue". Et si tu rajoutes des artifices, comme une pompe et une turbine, tu ne crées que des sources de perte d'énergie par frottements supplémentaires. Tout s'arrête. La turbine ne peut même pas récupérer l'énergie consommée par la pompe : il faudrait que l'eau chute de la hauteur dont elle a été montée, c'est à dire que la turbine soit exactement au niveau de l'eau du réservoir, ce qui est techniquement impossible, et qu'elle ait un rendement de 100 %, alors que c'est peut-être la moitié... Ton effet Venturi ne fait que transformer une énergie qui a la forme d'un gros volume circulant à petite vitesse en un petit volume circulant à grande vitesse : le débit est inchangé, l'énergie est inchangée. S'il suffisait de réduire le diamètre d'un tuyau pour augmenter l'énergie du fluide qui y circule, ça se saurait !
- Mon projet a déjà été validé par l'association qui subventionne.
- Mais, Agus, ils ont dû mal comprendre. Tu connais les règles de base de la thermodynamique : l'énergie peut changer de forme mais elle n'augmente jamais : d'où vient l'énergie que tu récupèrerais dans ton alternateur ? As-tu soumis ton idée à des profs de thermodynamique, des gens qui enseignent l'énergie cinétique et l'énergie potentielle ?
- J'en ai discuté avec les techniciens de l'université. Ils me construisent un prototype.
- Mais, Agus, si ça marchait, tu deviendrais plus connu qu'Einstein. Tu remettrais en cause un des fondements de toute la physique connue à ce jour et depuis des siècles.
- Je t'enverrai un mail quand ça marchera.
Tout cela avec la plus imperturbable bonne humeur.

Bon, je crois qu'il vaut mieux passer au pancake du petit-déjeuner. Et remettre à plus tard la résolution des problèmes énergétiques planétaires...

NB : le mouvement perpétuel indonésien existe bien : il suffit de mettre le nez dehors à peu près n'importe où dans ce pays pour s'en rendre compte. Mais, celui-là, pour sûr, ne sauvera pas le monde !

jeudi 25 juin 2009

C'est reparti pour un tour !


Eh bien voilà, c'est reparti pour un tour au bout du monde !
J'avais décidé de ne pas passer mon temps dans les cybercafés à raconter mes petites histoires. Mais quelques aventures que je ne peux pas m'empêcher de raconter me renvoient à la littérature.
Alors, je ne ferai pas du linéaire. Je ne vous raconterai pas mon voyage. Mais, si vous voulez embarquer pour quelques historiettes de la vie dans le monde...

Bienvenue à bord !

On démarre tout de suite en Indonésie.

Benoit