samedi 14 novembre 2009

Heureux qui comme...


Heureux qui, comme Benoit, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Oui, enfin, peut-être pas, tout de même !

En tous cas, pour ce tour-ci, c'est fini ! Et puisque vous avez été bien sages, distribution d'images !

mardi 20 octobre 2009

Y aura-t-il de la bière au paradis ?

A quoi peut bien servir un paradis fiscal en voyage ? Eh bien, à faire le plein de bière !

L'île de Labuan n'est pas un état malaisien comme les autres. C'est un territoire directement administré par l'état fédéral, au même titre que la capitale Kuala Lumpur et que l'île de Penang. Ce confettis a été érigé en centre financier offshore et est "duty free". Un avantage qui ne se remarque en général pas : les prix sont les mêmes que dans le reste de la Malaisie, sauf... celui de l'alcool ! En effet, dans ce pays à tendance islamique, taxer l'alcool ne frappe que les minorités, chinoise et indienne essentiellement, et constitue un prélèvement supplémentaire sur les touristes. Et l'impôt n'est pas symbolique. Une bouteille de bière 640 ml, coûte moins d'1 € à Labuan alors qu'elle est à environ 2.50 € dans le reste de la Malaisie. L'Indonésie fait de même avec les vins (non, ouf, pas la bière !) qui doivent être taxés à genre 300 % : une bouteille de vin de table française, transport et taxe compris, devient ainsi un produit de luxe sur une table indonésienne !

Résultat, Labuan est devenue l'île des plaisirs : alcool, karaokés, filles de joie philippines...

A une heure de ferry de là, Brunei est une autre sorte de paradis. Dans ce micro-état perfusé à l'argent du pétrole, quantité de services sont gratuits ou presque (éducation, santé...). L'essence est à 25 centimes d'Euro le litre, et le gasole à 15. Mais cette "monarchie islamique malaise" interdit la vente d'alcool. Et l'importation en est limitée à 12 canettes de bière par personne, à consommer chez soi, en cachette. Déclaration obligatoire en douane à l'entrée du pays. Le fonctionnaire le plus lent qu'il m'ait été donné de connaître saisit toutes les données de l'"importateur" sur ordinateur. 5 minutes pour m'enregistrer avec mon unique bouteille de bière, mais surtout, 5 minutes pour chacune des 5 personnes qui me précèdent : 30 minutes pour entrer une seule et unique bouteille de bière détaxée de Labuan à Brunei ! Plus la fouille de mon sac pour exhiber la fameuse bouteille. Finalement, la bouteille de bière la plus coûteuse du monde !

Alors, paradis de l'ébriété ou paradis de la sobriété ? Y aura-t-il de la bière au paradis ?!

jeudi 15 octobre 2009

Un de chute !



















Mont Kinabalu
(pas sur la photo...)

Jusque là, j'avais toujours réussi à me faufiler au sommet des montagnes à ma mode, en échappant aux guides, aux excursions organisées, mais là, au mont Kinabalu (4092 m, point culminant de Malaisie, situé à Borneo), c'était trop fort pour moi.

Il y a une grille à l'entrée de la montagne. Des barbelés autour. Et pour passer, il faut se présenter aux heures ouvrables (7h- 17h) en ayant acquitté son permis de grimper (20 €), son entrée au parc national (3 €), son assurance (1.5 €), et accompagné de son guide (notoirement inutile sur cet itinéraire tout ce qu'il y a de balisé et qu'une course parcourt tous les ans : temps du record : 2h39' l'aller et retour de 21 km et 2200 m de dénivellée. Prochaine édition : 24-25 octobre 2009 ; http://climbathon.sabahtourism.com/).

Mais le plus gênant, c'est le coût de la demi-pension au refuge : 70 €, le double du refuge des Grands mulets sous le Mont-blanc, et sans rapport avec les coûts locaux habituels ! (la même chose pour genre 7 € à la porte du parc)

Evidemment, ça peut se faire en homme fort à la journée, comme les coureurs, mais, comme on ne peut pas s'élancer avant 7h, ça rend les chances d'atteindre le sommet avant les nuages un peu maigres. Et si on retente le lendemain, re-permis de grimper ! Re-guide...

Bref, une forme d'arnaque dont je n'ai pas trouvé la faille. Adieu mont Kinabalu, tu semblais bien beau, pourtant !

Gunung Agung

Gunung Agung, littéralement grande montagne, le sommet de Bali m'avait été plus propice. Le lobby des guides protège la montagne des dieux. On m'en dépêche un à mon hôtel pour m'expliquer que je ne peux pas y aller seul... Le lonely planet déconseille : risque de se perdre... En réalité, l'itinéraire est évident. 4 heures pour avaler 2000 m de dénivellée. 3 heures avec les dieux, au bord du cratère, à plus de 3000 m d'altitude, à attendre que les nuages ouvrent le paysage. Et 3 heures à désescalader un chemin qui roule sous les pieds. C'était bon, Agung ! Même si je n'en ai quasiment rien vu de Bali : on se reverra !

Gunung Merapi de Sumatra
(photo, lors du survol du vol régulier Padang - Kuala Lumpur quelques semaines plus tard !)

Quelques semaines auparavant, gunung Merapi, à Sumatra, près de Bukittinggi (je précise car près de la moitié des volcans s'appelle gunung Merapi en Indonésie ! Api = feu, Merah = rouge ; serait-ce la contraction, Loïc ? Gunung api, montagne de feu, signifiant en tout état de cause volcan, aussi sûrement que Matahari, oeil du jour, signifie soleil).

Grosse pression dans les bars pour y aller avec un guide : départ à 22h pour arriver au lever du soleil. Je décide de partir au lever du jour pour ces 1500 m de grimpette. Transport public pour le départ. 3h30 de montée et me voici en haut à 10h. Pas tout seul. C'est dimanche matin. Les étudiants indonésiens sont friands de ces escalades le week-end. Ils démarrent le samedi après-midi, emportent guitares, vivres, de quoi camper plus ou moins sommairement. La montagne grouille. Les Français qui ont grimpé de nuit et bivouaqué quelques heures au bord du chemin en témoignent : impossible de dormir dans ce joyeux va et vient permanent. J'ai justement choisi le dimanche car cette présence humaine assure une sorte de balisage dynamique de l'itinéraire (en plus de celui, statique, assuré par les déchets de toutes sortes jonchant le parcours).

Un nuage de fumée blanche s'échappe du cratère principal atteint après la traversée d'étendues lunaires. Des cratères secondaires inactifs aux parois verticales. Un jardin d'édelweiss (pas exactement le modèle de chez nous). Un terrain de jeu volcanique très animé. Très intéressant, ce Merapi !

Bon, tout ça, c'est bien gentil, mais qui m'accompagne à Puncak jaya (mont Karstens), le point culminant de l'Indonésie, à plus de 5000 m, en Irian Jaya (partie indonésienne de la Papouasie-Nouvelle Guinée) ?!

samedi 10 octobre 2009

Le rayonnement de la France

Les Français les plus connus en Indonésie :
1- Zinedine Zidane
2- Karim Benzema
3- Thierry Henry
4- Franck Ribery

Et même Michel Platini est toujours dans les (vieilles) mémoires.
Pour les ignares, je signale que ce sont tous des footballeurs (il est important de réviser son championnat de France avant de monter dans l'avion si on ne veut pas passer pour une bille).

La réplique "- D'où êtes-vous ? - De France. - Ah, Zinedine Zidane !" est tellement classique que j'en suis devenu stressé de dire que j'étais français, pour m'entendre répondre quasi systématiquement "Zinedine Zidane !".

Ce qui est étonnant, c'est que jamais un Anglais ou un Italien ne m'a été cité. Ils savent parfaitement qui est d'où, même s'il joue dans un club étranger !
Franck Ribery m'ayant été deux fois signalé comme musulman (quelqu'un peut confirmer ?), on imagine facilement que la France puisse être prise pour un pays majoritairement musulman.

Egalement cité : Nicolas Sarkozy. Une fois avec Carla Bruni, donc il est permis de penser que ce n'est pas son programme politique qui est concerné. Et une fois avec Ségolène Royal.

Jacques Chirac, pas encore totalement effacé de quelques mémoires. Charles de Gaulle connu d'un ancien.

Dernière citation : Auguste Comte (par un étudiant en sociologie : ça arrive...)

Et vous, le président de la république indonésienne (nouvellement réélu) ? Un plus ancien peut-être ? Ou un joueur de badminton ?

jeudi 8 octobre 2009

Où suis-je ?


A 17h, je fais open house dans le plus grand village sur pilotis du monde (à ce qu'on dit... 25000 habitants). Open house, "maison ouverte", c'est invitation à un buffet chez des musulmans comme cela se fait traditionnellement dans la quinzaine qui suit la fin du ramadan.

A 19 h, je dîne dans un restaurant indien.

A 20 h, j'assiste à une représentation d'opéra chinois dans un temple, dans le cadre de la célébration de la fête du mooncake, "gâteau de lune", qui ont lieu à la pleine lune à cette période de l'année.

Où suis-je ?

lundi 5 octobre 2009

Le propriétaire - ACTE III


A peine arrivé à Sumatra, B. apprend que son certificat de propriété attendu depuis 14 mois, est sorti ! Ibi, son prête-nom le supplie de revenir immédiatement conclure la vente afin que le vendeur ne se fasse pas les nerfs sur lui ou ne tente de revendre le terrain. Tarip, le fils du vendeur, assaille aussi le portable de B.. Mais, B., flegmatique, maintient que, puisqu'on a bien attendu 14 mois, on pourra bien en attendre 2 de plus. Et qu'il visitera donc Sumatra où il vient d'arriver. Puis sortira en Malaisie pour renouveler son visa. Et reviendra à Lombok fin août, après la pointe de la saison touristique, pour conclure l'affaire.

ACTE III

Scène 1

B. arrive psychologiquement épuisé à Kuta-Lombok. Il a tenté la traversée de Bali par les transports en commun pour rejoindre le port d'embarquement pour Lombok, distant de 70 km. 4 véhicules différents qui ont tenté de l'arnaquer, ne l'ont pas déposé à l'endroit prévu, l'ont mal renseigné sur la suite de l'itinéraire. A Lombok, rebelotte, avec 4 autres véhicules. 3 heures pour 60 km... B. n'a qu'une aspiration : se débarrasser de ce terrain et ne plus avoir à faire avec les Indonésiens !

Mais, à Kuta-Lombok, il est reçu avec force démonstration d'affection par Ibi. Invité, au coucher du soleil, à l'ouverture du jeûne du ramadan chez Tarip. Il a retrouvé sa famille de là-bas ! Les uns le font rêver du bénéfice qu'il tirera à revendre son terrain, les autres de la belle villa qu'il aura bientôt... C'est le bonheur !

Ibi ne perd cependant pas le nord et entreprend de négocier sa signature de prête-nom. Habituellement, on promet aux prête-nom 10% du produit de la revente. Mais B. n'est pas dans cet esprit-là. Qu'est-ce qui justifie que quelques signatures sur des papiers à peine lus soient récompensées d'une somme qui peut représenter le revenu de toute une vie d'un honnête travailleur ? B. rémunère chaque service, déplacement, signature, d'une gratification qu'il estime bien suffisante et s'en tiendra là. D'ailleurs, il a une connaissance - allez, un ami ! -, Agus, l'inventeur du mouvement perpétuel indonésien, prêt à remplir le rôle sans contrepartie. Et Tarip, le fils du vendeur, qui ne demande qu'à continuer à avoir l'oeil sur le terrain, et entrevoit sans doute des sources ultérieures de profit, est également prêt à le faire pour rien.

Ibi est également tourmenté par la nouvelle reconnaissance de dettes qu'il va devoir signer lors du versement du solde du prix du terrain. La notaire annonce un coût finalement raisonnable pour effectuer la mutation. C'est décidé : on part sur l'option d'un changement de prête-nom au profit de Tarip.

Préparation des documents chez le notaire. B. doit s'assurer qu'il aura bien les reconnaissances de dettes du nouveau prête-nom, et même le plus de documents signés possibles de la "liasse" car, une fois le solde du terrain versé, il n'aura plus guère de moyens de pression.

Scène 2

Patatras. Voilà que la notaire, résumant une journée de travail, déroule un compte sur une feuille blanche. Le coût de l'opération n'a plus rien à voir avec celui de la veille ! Multiplié quasiment par 20 ! Un impôt de 10% du montant de la transaction est apparu ! Le coût du changement de prête-nom est devenu rédhibitoire ! B. informe Ibi et Tarip par SMS. Ibi saute sur l'occasion pour proposer de rester prête-nom pour la moitié du montant des frais. Mais B. ne veut pas ouvrir la porte à une quelconque négociation. Il décide de disparaître le temps que la situation se débloque à Kuta, que le propriétaire du terrain, pressé de toucher son argent, ne mette la pression à Ibi pour qu'il cesse d'entraver le bon déroulement de la transaction. Par ailleurs, B. a encore une cartouche en réserve. En déclarant une valeur de terrain réduite, il a compris qu'il pouvait sérieusement réduire l'impôt. Mais, même cela, il veut tenter d'éviter d'avoir à le débourser.

Stratégie payante car, après 24 heures de silence radio, Ibi appelle pour accepter, effet de son grand coeur, de rester prête-nom sans autre condition que de supprimer les intérêts sur la reconnaissance de dette. Accepté ! On repart donc sur la configuration initiale !

Scène 3

Préparation des documents. Ca n'en finit pas. C'est le ramadan, avec un rythme de travail ralenti. La notaire ne sait pas remettre des documents prêts à relire. Si B. n'est pas sur place, rien ne se passe. Journées entières, à l'étude, de lecture ("sur la route", Jack Kerouac) et relectures. La séance finale est repoussée une fois, une seconde fois...

Et finalement, c'est le grand jour ! Tout le monde est là, de nouveau : Ibi avec femme et enfant, Tarip accompagnant son père venu chercher son paquet de billets, le chef de village apportant le certificat de propriété, et B., passé par sa banque. Ibi est décontracte, hilare. Il lit à peine les documents. Il claironne qu'il est d'accord pour signer les documents sans rien toucher mais qu'il est entendu que, pour s'occuper du terrain, il faudra voir avec Tarip et son père, les anciens propriétaires ! De toutes façons, B. s'est déjà mis d'accord avec Tarip pour replanter des bornes cadastrales, placer des écriteaux, planter quelques arbres, moyennant quelques billets...
On signe. Le nouveau contrat de prête-nom, la nouvelle reconnaissance de dettes du prête-nom, une hypothèque du terrain au profit de B., un pouvoir de vendre, de louer, et de traiter toutes les formalités concédé par le prête-nom à B., et aussi un contrat de location assurant à B. la jouissance de son terrain...

B. se sent plus léger sur sa mobylette. Les rizières sont plus vertes, le ciel plus bleu, et les Indonésiens plus gentils. Sourires partout. 3 jours de vacances bien mérités sur les îles avant de récupérer sa copie des actes notariés.

B. est propriétaire d'un hectare avec vue sur le paradis !!

Epilogue

Revenant à Kuta célébrer cette transaction conclue dans la liesse, B. apprend de Tarip que son père, le vendeur du terrain, a(urait ?) versé à Ibi un pactole du montant de ce qu'Ibi essayait d'obtenir de B.. Pas vraiment l'objectif du bras de fer engagé par B.. Mais on ne peut pas non plus régir les relations entre tout le monde. Si les Indonésiens se complaisent dans la magouille entre eux, qu'y peut-on bien faire ?

jeudi 1 octobre 2009

Ma petite entreprise...


...de location de vélos !

Une intuition subite. Le magasin de la vendeuse d'eau, la femme de Tarip, le fils de mon vendeur de terrain (voir "Le propriétaire" - acte I) est idéalement situé face à la rangée d'hôtels, pour louer des vélos. Le marché est laissé vacant par un hôtel qui était situé à 2 km du centre de l'action et a renoncé.

C'était la veille de mon départ pour Bali. Tarip, sa femme et sa fille, devaient aller acheter un vélo pour la petite. Achetons des vélos à louer, ai-je dit, et tout le monde a été d'accord que c'était une bonne idée.

Nous avons étudié le marché le premier jour mais les magasins fermaient tôt pour la rupture du jeûne du ramadan. Rendez-vous pris pour le lendemain avec Tarip dans le quartier des vendeurs de vélo. Il est retardé par un problème de voiture. J'ai le temps d'acheter un premier vélo d'occasion et de me faire une opinion sur quoi acheter d'autre. Deux jolis VTT à moins de 100 € pièce.

Un investissement total de 250 €, dont je sais que je ne reverrai peut-être jamais la couleur ! Le deal est que la moitié des recettes me revient (théoriquement) jusqu'à ce que mon investissement plus 50% m'ait été remboursé.

Avec 4 vélos loués la première semaine, à 1€ pièce la journée, cela fait 4€ de chiffre d'affaires, donc 2 € pour moi. Dans 2 ans et demi, j'aurai récupéré mon investissement, et dans 4 ans, atteint mon objectif financier !!! ...si les vélos n'ont pas disparu d'ici là, volés ou détruits ou ...!!!

dimanche 27 septembre 2009

Le propriétaire - ACTE II


Nous avions laissé B. alors qu'il embarquait pour la France après s'être délesté d'une brique de billets en échange de quelques signatures sur des papiers.

ACTE II

Scène unique
Mai 2009. B. pense qu'il est dangereux de laisser le champ vacant trop longtemps et que, même si le certificat de propriété de son terrain n'est pas encore sorti, au bout d'un an, alors qu'on le lui avait annoncé en 4 mois, il convient d'aller voir sur place quel tour on pourrait être en train de lui jouer. D'ailleurs, Ibi lui indique à distance que cela ne saurait plus tarder. Et, la veille du départ, que ça y est ! Youpie !
En réalité, si le document existe bien - et Ibi en a une copie - il n'est pas signé de la chef du cadastre. Il faut attendre quelques jours. Et après quelques jours, quelques jours. Et après quelques jours... B. décide qu'il ne peut pas passer sa vie à attendre et ira se distraire à Sumatra, même si on le supplie d'attendre encore... quelques jours.

Il se contentera de faire signer un des documents de la liasse "légale" pour améliorer sa protection : une reconnaissance de dette de la part du prête-nom, du montant de l'accompte versé un an auparavant. Quand Ibi découvre ce document, qu'il avait survolé l'année précédente, il blémit. Etre endetté, pour un musulman, semble relever du cas grave. Et Ibi ne veut pas laisser de dettes à ses enfants. Le taux d'intérêt l'effraie encore plus que le montant de la reconnaissance de dettes.
B. envisage de changer de prête-nom, ce qui, formellement, consiste à revendre le terrain à un nouveau prête-nom. Mais cela ne peut se faire qu'après la sortie du certificat de propriété, implique un délai supplémentaire, et des frais difficiles à prévoir, pour boucler l'affaire.
Donc, dans l'immédiat, il ne reste qu'à faire admettre à Ibi que cette dette n'en est pas réellement une, qu'elle est garantie sur le terrain dont il devient nominalement propriétaire et qu'il n'aura, en réalité, jamais à débourser la somme.

Maigre résultat que ce déplacement : B. ne repartira qu'avec une reconnaissance de dette dont il prendra sa copie chez la notaire en allant à l'aéroport. Mais, ni notaire, ni document au moment prévu ! Ils sont à la signature chez le notaire titulaire à la capitale de l'île. L'avion n'a pas le temps d'attendre : rendez-vous à un rond-point près de l'aéroport pour remise du document. Ouf !

B. est à Sumatra depuis quelques jours quand la nouvelle tombe : ça y est, le certificat de propriété est signé, et sous bonne (?) garde du chef du village.

photo : repas de ramadan chez Tarip : OK, ça a rapport à l'acte III, mais c'est un teaser !

mardi 22 septembre 2009

Mes philosophes


Mes philosophes préférés (pardon à eux que je connais à peine et que j'ai forcément caricaturés : qu'ils laissent un petit commentaire pour redresser le tir et nous raconter leur actualité):

Pierre a quitté les tapis rouges du festival de Cannes, Pathé, et le clinquant du cinéma à la cinquantaine. Où se retirer de ce monde où la finance prend le pouvoir : Brésil, Indonésie ? Après plusieurs reconnaissances, il a construit sa villa face à la mer, à Kuta-Lombok, pour y vivre avec ses livres et ses chevaux, ses couverts en argent et sa vaisselle en porcelaine, à l'écart des tumultes du monde. Les promenades équestres pour les touristes étaient presque son seul lien avec l'extérieur. Mais il a commencé à louer sa villa et les affaires marchent mieux que prévu. Le monde du dehors pourrait-il le rattraper dans sa retraite ? Il jure qu'il s'enfuira en courant... ou en nageant !

Alexandre n'a pas 30 ans et se débrouille dans une dizaine de langues, dont le polonais, l'arabe, l'indonésien, le thaï, le laotien, le birman, le créole réunionnais, l'espagnol... Il est un peu tombé dedans quand il était petit en habitant au Maroc avec ses parents. Alors, depuis quelques années, il ne pose le sac à dos que pour exercer dans l'hôtellerie : une orientation délibérée pour passer sa vie en vadrouille, travaillant à l'occasion, et profitant, toujours. Il s'installerait bien un peu en Asie. Un heureux de naissance ?

Marc va sur ses soixante dix. Il a fait carrière. Directeur de cimenterie à l'étranger... Autant dire qu'il n'est pas dans le besoin. Je le rencontre dans un vieux bus branlant. Il m'explique comment il a réparé ses lunettes de soleil en scotchant un cure-dents. Le luxe, les hôtels chers ne lui font plus aucun effet. Ce rondouillard se promène à quatre sous, un sourire narquois au-dessus de sa barbe blanche. Et quand il rentre en France, son programme, c'est le jardin, la cueillette des pommes au verger, les confitures et... la préparation du prochain "petit déplacement" (en l'occurence la Syrie, à la frontière irakienne, en ce moment : villes disparues, berceau de l'écriture).

Christophe est arrivé à Kuala Lumpur en cargo. Un mois en mer pour faire le break d'une vie dévorée par le travail. C'est peu dire qu'il s'est adapté au milieu ambiant. Il se dit voyageur débutant, mais il est comme un poisson dans l'eau au "village", le backpackers le plus cooool de Kuala Lumpur. On jurerait qu'il a fait ça toute sa vie ! Sa nouvelle foi : la semaine de 4 heures. En rentrant en France, il veut tout laisser tomber "sauf 4 heures par semaine", caser ses affaires chez ses parents, et mettre les bouts avant Noël pour ne pas laisser filer la quarantaine.

Martin est un ethnologue en devenir. Enfin, ça l'intéresse plus de vivre avec les habitants de la forêt des Mentawaï que d'écrire sa thèse sur l'impact du tourisme sur l'île. Donc, deviendras-tu réellement ethnologue, Martin ? Où en est-elle, cette thèse ?!

Et puis bien-sûr Spinoza et Nietszche, mais on ne les a pas vus au "village".
Et tous ceux qui parlent une langue étrange(re) et qui sont donc forcément moins philosophes.

Et un cycliste espagnol aperçu filant de Kuta-Lombok avec une carte accrochée à l'arrière du bagage. Ca partait d'Espagne en 2006 pour se terminer je ne sais où en 2014. Il avait déjà fait le plus gros de l'Indonésie sur son vélo (plus toute la route pour arriver là !) : comment peut-on se lancer dans cette circulation de fou et ce climat propice à la sieste à travers les îles indonésiennes ?! Et comment peut-on savoir qu'on va rentrer en 2014 quand on se souvient à peine depuis quand on est parti ?!

lundi 21 septembre 2009

phot' au jour le jour

























Christophe (C.) le fait bien mieux que je ne le pourrai jamais. Alors, pourquoi me casserais-je la tête ?

Allez plutôt plonger dans son regard, ses choses qui font battre le coeur ! :

Il s'est astreint à une règle de fer : publier en date de chaque jour une photo du jour même. Ce ne sont donc pas ses 100 meilleures photos, mais la meilleure photo de chacun de ses 100 jours en chemin. Son calendrier risque de s'interrompre pour cause de retour en France mais rien n'empêche de feuilleter les derniers mois pendant les longues soirées d'automne.

vendredi 18 septembre 2009

Premier tremblement


7.06 h du matin, Bali, peu après le lever, l'hôtel entre en résonance. Comme un métro qui passerait sous un vieil immeuble parisien. Une vibration rapide, pas une oscillation. Un bruit de roulement. Ou un tir en rafales. 3 secondes peut-être. 2 secondes d'interruption - mais est-ce bien sûr ? Ca va si vite -. Et encore 2 secondes, comme une deuxième rame de métro. On court à l'extérieur du bâtiment. Le coeur bat la chamade. Les automobilistes et les motocyclistes qui circulent normalement dans la rue se sont-ils rendus compte de quelque chose ? Tout est déjà fini.
Les journaux métropolitains n'en parleront pas. Heureusement, votre envoyé spécial était sur place !

PS (courtoisie du Bali post) : 6.4 sur l'échelle de Richter. Epicentre à 120 km de mon lit, et 36 km sous terre. Quelques dégâts tout de même, dont un temple, probablement déjà branlant. Et quelques blessés, probablement dégringolés trop vite des escaliers pour s'extraire de chez eux.

photo : gunung Agung, point culminant de Bali. Comment illustrer un tremblement de terre quand il n'y a pas de constructions dévastées ?!! Agung a fait des siennes pour la dernière fois en 1963 (et moi pour la première) où il a enterré pas mal de monde. Une force tellurique, lui aussi, donc.

jeudi 17 septembre 2009

Le propriétaire - ACTE I


"Le propriétaire", un drame en 3 actes (ne respectant toutefois pas forcément tous les canons d'unité de lieu, de temps et d'action, de la tragédie grecque) sur les rives enchantées de l'océan indien.

ACTE I

Scène 1
B., un Français au milieu de la quarantaine, dîne tranquillement au Bong's café à Kuta-Lombok, en mai 2008. Mambo, le jeune et entreprenant patron de l'endroit, vient bavarder et lui demande s'il ne veut pas acheter un terrain : "Non, pas particulièrement, je suis juste là pour voyager. Pourquoi, vous vendez un terrain ?" Et d'expliquer qu'ici tout le monde achète et vend, et va faire fortune ! Un aéroport international est en construction à 15 km de là (l'actuel est à 60 km et ne reçoit que des vols domestiques, qu'on ne peut pas acheter depuis l'étranger car toutes les compagnies indonésiennes - à l'exception de Garuda, récemment réhabilitée - sont en liste noire).

De fait, un trio franco-indonésien, expatriés de Jakarta, s'installe pour diner. B. les entend parler foncier. Le trio se retrouve en discussion d'affaires avec Mambo et ils concluent de visiter un terrain le lendemain matin, avant leur avion pour Jakarta. B. sollicite de se joindre à eux pour voir de quoi il retourne. Et les voilà de bon matin, traçant dans la broussaille jusqu'à ce que se révèle la magnifique côte, découpée, ourlée de plages de sable blanc, et ponctuée de caps et de sculptures dignes de l'aiguille creuse chère à Arsène Lupin. De là à investir... B. préfère continuer ses vacances sans y penser.

3 jours plus tard, à un mariage où B. s'est invité, Ibi, un jovial local lui confie avoir un terrain à vendre, et annonce un prix du tiers de celui du terrain visité avec les Français. Mais, bon... Mambo aussi a d'autres occases à montrer. Et il veut s'associer (grosso modo avec quelqu'un qui fournisse le capital et partage les bénéfices au moment de la revente !).

Scène 2
Quelques jours plus tard, B. ayant 3 jours à "tuer" avant son retour vers la France, décide de revenir à Kuta et élucider ces terrains. Un premier tour d'horizon avec Mambo : non.
En vue de la dernière visite, avec Ibi, B. va se ravitailler en eau . Et voilà que la jeune vendeuse lui demande s'il ne veut pas acheter un terrain. "Pourquoi pas ?! Mais à condition d'aller le voir immédiatement." Son mari, Tarip, grimpe sur la mobylette de B. et les voilà partis... pour 20 m, car ils tombent sur Ibi : "C'est le même terrain que je voulais te montrer !", dit-il. Tant mieux, voilà du temps de gagné, mais, qui est réellement propriétaire de ce terrain ?!

Visite avec Tarip. Il se trouve que le terrain est immédiatement mitoyen de celui visité avec les Français, mieux orienté, plus accessible (même si la maîtrise foncière de l'accès n'est pas acquise) et... 2 fois moins cher que son voisin ! (le prix a déjà monté depuis l'annonce par Ibi !) Logique, B. plonge sans attendre et déclare à Tarip qu'il l'achète !

Scène 3
Rendez-vous est pris avec le vrai propriétaire du terrain, le père de Tarip, et le chef du village pour le début d'après-midi. Ce dernier organise le passage chez le notaire pour le lendemain, samedi matin. Et lance sur le tapis le montant de "l'impôt" à lui verser. Comment contester ou demander de justifier ?

Outre la quasi-impossibilité qu'il y a à savoir ce qu'il faudra payer à qui et pourquoi, devenir propriétaire en Indonésie présente une difficulté qu'il faut tout de même signaler : un étranger ne peut pas devenir propriétaire ! Il lui faut donc un prête-nom autochtone. Et les juristes et notaires ont mis au point un imposant arsenal d'actes pour détourner la loi en conservant au payeur la maîtrise de son investissement, et retirer quasiment tout pouvoir au prête-nom. Accessoirement, tout ce fatras juridique les enrichit...

Il se trouve que B. a déjà tous les modèles de documents en poche, récupérés en vue d'un autre projet, tué depuis. Mais pas bien le temps de mettre tout cela en oeuvre dans cette phase initiale : il a son avion pour Jakarta puis la France le mardi matin. On fera avec les documents du notaire pour la promesse de vente et l'accord de prête-nom. B. a beau expliquer que ces 2 documents doivent être "adossés" (comporter les mêmes clauses) et qu'il est dangereux de signer la promesse de vente samedi alors qu'il se réserve le dimanche pour relire le contrat de prête-nom et demander d'éventuelles modifications. Rien n'y fait. Il arrive juste à faire rajouter une clause prévoyant la possibilité d'annulation de la vente si le cadastre n'émet pas le certificat de propriété dans les 6 mois. Car le terrain relève d'une propriété coutumière et il convient de passer à un certification plus formelle. Quant à expliquer que la somme à restituer devra être augmentée d'un intérêt annuel, mais appliqué au prorata du temps observé, correspondant à ce que la banque aurait rémunéré son argent, c'est un challenge.

Lundi matin, B. retire, à la banque, l'acompte à verser. Les machines comptent 1700 billets. Une grosse brique. B. fait une première fausse sortie pour vérifier qu'on ne l'attend pas avec un couteau au coin de la rue -il avait lâché le nom de sa banque à ses vendeurs !-, puis s'engouffre dans un taxi, direction le notaire.

Ambiance de fête : tout le monde est là ! Le vendeur et sa femme. Son fils Tarip avec femme et enfant. Ibi, qui sera prête-nom, et sa femme. Le chef du village, celui du quartier. Et B. qui remet le gros magot au vendeur, un petit au chef du village qui se charge d'obtenir le certificat de propriété auprès du cadastre et un plus petit encore à la notaire, alors que tout le monde signe et applique ses empreintes digitales. La notaire remercie B. pour les enseignements qu'il a prodigués dans la rédaction des clauses des documents signés !

Direction l'aéroport pour B. qui a conclu l'affaire en 72 heures, dont 36 non ouvrables !
Et rendez-vous une fois le certificat de propriété émis par le cadastre pour le deuxième acte.

mardi 8 septembre 2009

Coeurs à prendre


Une petite activité pour arrondir mes fins de mois : je vous proposerai désormais une sélection de jeunes personnes bonnes à marier.
Mes honoraires sont transparents : l'équivalent de ce que vous aurez à offrir à la famille de l'épousée en guise de "dot", soit, en général, quelques (tout est négociable en Indonésie) buffles.



Cette semaine, en exclusivité, donc, je vous propose :

Rina

Rina est une jeune femme Minangkabau (la plus grande société matriarcale du monde - vous ne serez donc peut-être pas le chef à la maison -, située à Sumatra), récemment divorcée, et confiée par son père à George, un Hollandais de 50 ans, musulman depuis 30, et marié depuis 10 avec Nelli, autre jeune femme Minangkabau. Rina les aide ainsi à tenir un restaurant et un petit hôtel à Lombok, où j'ai séjourné 2 fois et n'ai jamais vu grand monde : un job pas épuisant qui lui permet de garder toute sa fraicheur. D'autant que comme beaucoup de divorcées en Indonésie, elle a laissé son enfant aux bons soins de sa mère à Sumatra.

Rina est toute frêle et toute mignonne. J'aimais bien lui jeter des petits coups d'oeil tendres. Mais, avec Nelli, elles m'ont monté un plan, alors que je viens récupérer ma mobylette à leur petit hôtel en rentrant d'un séjour sur les îles (gili Meno).

C'est Nelli qui fait le boulot pour sa copine : est-ce que je ne la trouve pas mignonne ? Est-ce que je ne voudrais pas l'épouser ? Certes ! Tout de suite ! Je l'emmène sur ma mobylette ! Sauf que ce sont de bonnes musulmanes : il faut se marier d'abord. Un problème car acheter direct sans période d'essai n'est plus dans les moeurs européennes. Alors, on a juste le droit d'aller se promener ensemble à la cascade, ou au centre commercial, mais à condition d'être rentré le soir. Elle aimerait voyager ? Oui, dit-elle. Mais les Indonésiens ne voyagent guère au sens européen du terme. Ils vont là où ils ont à faire. Et puis épouser une musulmane en Indonésie, il faut être musulman. Certes, Nelli me cite un Américain qui s'est converti pour se marier et qu'on n'a jamais vu à la mosquée depuis. Mais, bon, j'ai déjà assez du fardeau catholique pour ne pas ajouter un Coran dans le sac.

Bref, j'ai gentiment indiqué à Rina qu'on y réfléchissait et qu'on en reparlait lors de mon prochain passage. Elle était déjà occupée à la prière au lieu d'être sur le pas de la porte avec son mouchoir alors que j'enfourchais ma mobylette : un mauvais point.

Donc, je cède au plus offrant cette jeune beauté qui parle anglais et sera parfaite pour les taches ménagères, qu'elle m'a d'ailleurs citées comme étant ses principaux hobbies, en sus de la télévision.


Anisa

Je tombe sur Anisa dans la ferme où Martin, l'ethnologue, m'a déposé, au bord du fleuve, à une bonne heure de pirogue de Siberut, aux îles Mentawaï. Son père est un sikerei, donc un quasi tout nu avec un pagne local, mais elle vit (hélas !) habillée. C'est qu'elle connaît les moeurs du monde. Elle a étudié et vécu "sur le continent", à Padang, où elle a rencontré un Minangkabau qu'elle a épousé. Elle a, pour ce faire, demandé la permission à son père mais sa famille n'a pas fait le déplacement à Sumatra pour le mariage. Un mariage entièrement dans la famille du mari, donc. Puis son père est venu à Sumatra pour rencontrer le jeune marié, mais celui-ci n'est pas apparu : trop occupé. Anisa est revenue sur son île pour accoucher mais son mari ne l'a pas accompagnée. Le père a réclamé que son mari vienne la récupérer pour qu'elle reparte vers Sumatra. Et le mari a exigé qu'elle rentre toute seule. Situation bloquée. Son petit doit avoir 1 an et demi, maintenant. Nous pouvons donc considérer Anisa comme implicitement remise sur le marché.

Une occasion unique pour avoir un beau-père homme fleur.
Parle anglais, sait cuire le sagou, et tenir une ferme.
Ici encore, il s'agit d'un lot, avec l'enfant, et la belle famille.
En photo ci-dessus.

La France est un pays merveilleux


Comment diable se fait-il qu'en travaillant une heure d'un côté de la terre (d'accord, plutôt une heure de consultant que de caissière de supermarché), on puisse vivre une semaine de l'autre (plutôt en routard qu'au Hilton, certes) ? Nous sommes nés dans un pays merveilleux ! Miracle sans cesse renouvelé. Et si quelqu'un pouvait me démontrer que le bon Dieu en est l'auteur, sûr que je croirais instantanément en lui !

Même la Malaisie, qui est pourtant un pays développé où les gens circulent dans des belles bagnoles et habitent des gratte-ciel, et où il y a autant d'hôtels 5* à Kuala Lumpur qu'il n'y a d'hôtels tout court dans la communauté urbaine de Lille (juste 30% d'habitants en moins) - vous avez encore du boulot, Mr Bonduelle pour faire entrer la capitale nordiste dans le concert des grandes villes mondiales ! - n'empêche, on peut avoir sa chambre pour 4 € au coeur de la capitale , manger pour 1 € (la moitié, même), et prendre un bus sur 200 km pour 3 €. Tiens, et même Singapour, sous le regard des cages à fric des golden boys, on se lèche les babines pour 1 € aussi !

Alors, quand on croise des touristes partis pour quelques semaines avec des formules tout compris depuis l'Europe, et qu'on évoque le retour au pays, ils disent "oui, parce qu'il faut bien aller gagner de l'argent de temps en temps. Voyager, ça coûte cher !" Ah bon, voyager ça coûte cher ?!!!

Alors, florilège de "coûte cher" :

- l'avion ? L'aller Padang (Sumatra, Indonésie) - Kuala Lumpur (Malaisie) : 18 €. L'aller-retour Kuala Lumpur - Bali : 78 €. Kuching (Borneo) - Johor Bahru (près de Singapour) : 11 €. Merci Air Asia, d'avoir rapetissé l'Asie du sud-est !
A vrai dire, avec mon Toulouse-Singapour à 530 € A/R, j'ai longtemps tenu la corde, jusqu'à ce qu'un Polonais vienne me casser le moral avec un Rome-Bangkok (AS) à 100 € (parait même qu'on pouvait l'avoir à 20 € à un moment !!). blu-express.com serait le fauteur de ce dumping (pas disponible à l'instant où je clique). Air Asia donne la réplique depuis Londres.

- Le ferry Bali-Lombok ? 2.20 € pour 4-5 heures de traversée.

- une mobylette ? 3 € par jour plus l'essence : 1 € pour 100-150 km (0.30 € le litre).

-une planche de surf ? Moins de 3 € la journée sur la plage de Kuta.

- un guide lonely planet ? Arrivé à Kuala Lumpur sans guide de voyage, j'en emprunte un à mon hôtel. Le soir, je parviens à échanger mon guide d'Indonésie contre celui de Malaisie dans un autre hôtel. Et un voisin de dortoir me dépose sur mon lit un guide qu'il avait trouvé... Me voilà à la tête de 3 lonely planet de Malaisie ! Je rends le guide emprunté. Je récupère mon guide d'Indonésie. Et ça fait tout de même un guide de Malaisie empoché !

- une paire de baskets ? J'avais emporté une paire à finir. Elle redescend de justesse du volcan Merapi de Sumatra. Mais, pour aller marcher chez les Mentawai, il faut que je me rééquipe, ce que je confie incidemment au gentil "concierge" de mon hôtel. Il me signale des chaussures d'occasion en vente au marché (parce que, non seulement les Asiatiques fabriquent nos chaussures de sport, mais encore ils finissent de les user quand nous ne les trouvons plus assez bien pour nous ! Les Boliviens font de même...) Mais, tout de go, il m'en sort une paire laissée par un voyageur. Me voilà rééquipé pour 2 € de pourboire !

- une remise en état de bonhomme ? L'hôpital de Kuala Lumpur fonctionne sur un principe de forfait : 3 € pour la consultation, l'analyse de sang, et les médicaments ! Peut-être l'hospitalisation aussi, mais je n'ai pas testé !

- un dîner ? J'étais installé dans un boui-boui de Little India (KL). Un Pakistanais se pose sans préavis en face de moi. J'engage la conversation, comme je crois la politesse me le commander. Mais mon interlocuteur n'est pas loquace. Je n'insiste pas. En partant, il me glisse qu'il a réglé mon addition ! Nous n'étions donc pas fâchés ! Je me demande si l'Islam ne recommande pas à ses adeptes d'avoir un invité à leur table ? Finalement, je pourrais aimer l'Islam !

- un bouquin ? 10 bouquins, c'est ce que j'aurai lu après 4 mois (OK, pas un record : si je m'ennuyais davantage...). Mise de départ : 2 bouquins. Reste à l'arrivée : 2 bouquins (pas les mêmes). Argent réinjecté dans le système : 2 €. Pour le reste, emprunts, échanges...

- une heure d'Internet ? 0.18 € dans quelques villes indonésiennes (pas partout). Même 0.10 € avec un forfait nuit à Mataram. Sans compter la nuit d'hôtel économisée ! Mais, même moi, surfer de minuit à 7 heures du matin pour gagner 8 centimes, je peux pas !

- un SMS ? 0.007 €, après tout de même avoir fait l'acquisition d'une carte SIM indonésienne (disons 0.40 €).

- une fille ? Non, euh, là...

- ... et je ne dois pas oublier l'argent que je ne dépense pas en France, en laissant mes affaires à la garde de mes parents. Qu'ils en soient remerciés, même si (et d'autant plus que ?) ils ne le font qu'à contre-coeur.

Alors, faut-il vraiment rentrer pour refaire de l'argent ?!!!

J'aurais pas dû vous raconter tout ça. J'aggrave mon cas. Alors, c'était comment les soldes d'été, cette année ?!

Photo : à la piscine de mon hôtel à 5 € la nuit en bungalow, petit-déjeuner compris, à Kuta-Lombok.

lundi 7 septembre 2009

Biographie non autorisée



Voilà que le premier bouquin que j'ouvre dans l'avion de Singapour... je tombe sur ma biographie ! Tout au moins dans les premiers chapîtres, car, ensuite (et même avant), l'auteur a pris quelques libertés. Jugez vous-même !

"chapître I

Chaque famille classique se doit d'avoir un raté : famille sans raté n'est pas vraiment une famille, car il lui manque un principe qui la conteste et lui donne sa légitimité.

L'oncle a quarante ans et vit dans un studio de trente mètres carrés : c'est comme une chambre d'enfant, mais sans parents. La surface occupée par l'oncle est inversement proportionnelle à son âge : quand il avait trente ans, il disposait d'un appartement de cinquante mètres carrés.

L'oncle souhaite que sa mère aille poursuivre chez les morts sa passion pour les maladies et ses bavardages inintéressants. Non qu'on s'ôte ainsi de l'âme une telle écharde, mais la disparition physique d'une personne procure certainement des avantages définitifs.

L'oncle a accumulé des erreurs de parcours réjouissantes, qui confortent la famille dans ses choix justes et nobles : chômage, divorce, absence de descendance, concubinage avec des femmes divorcées, insertions ratées dans des foyers monoparentaux, etc.

L'oncle a été dans les meilleurs institutions, mais n'a pas produit les fruits qu'on en attendait. Car, reconnaissons-le, un enfant reste un investissement. Autrefois, époque bénie, la mortalité infantile se chargeait d'éliminer de braillantes erreurs. Le père de l'oncle, fervent polémologue, évoque avec une certaine nostalgie l'heureux temps où les guerres estivales, chaque année, jouaient aussi leur rôle dans l'extermination d'un excédent de jeunes mâles. Aves les progrès de la médecine et de l'hygiène, avec la raréfaction des conflits dans les pays riches, c'est à la famille que revient le rôle d'étouffer, à huis clos et bien plus subtilement, les branches pourries. Quoi qu'on en dise - aimons ce genre de formules... -, une famille classique est d'abord une machine à sélectionner, et d'enfant en enfant, elle réagit plus ou moins heureusement dans sa façon d'accueillir une vivante nouveauté.

Outre ses errements sociaux, dont la sanction la plus irréfutable est sa scandaleuse absence de bonheur et d'enfants, l'oncle réunit sur sa personne une série de tares classiques : il fume environ quarante cigarettes par jour, soit, en admettant qu'il ait accès au sommeil, deux et demie par heure. Il boit. Il est vélléitaire. Il est sexuellement obsédé.

L'oncle incarne donc admirablement la figure du raté indispensable à l'équilibre de la famille, en ceci qu'il s'est écarté - ou l'a-t-il été ? - de toute fonction reproductrice, et qu'il offre aux siens l'inquiétante et désirable image d'un décalage exotique. Il est fils et oncle, il a nièces et neveux, mais en aucun cas il ne peut prétendre être père, bien qu'à quarante ans le désir d'enfant le tourmente presque autant qu'une femme : mais à cet âge un homme se heurte à une limite, qui n'est certes pas physiologique mais symbolique.

Ecrivant ces lignes, un matin de février, il suçote une bière avec extase, avec le sentiment ancien et joyeux d'avoir malgré tout raison. Il est midi. Il y a du soleil. La bière fraîche coule le long de son coeur.


chapître II

Par où commencer ? Ainsi commencent les mauvais livres, les livres ratés. Mais, avec l'âge et la certitude d'avoir de la valeur, on manipule sans danger les clichés.

Car l'oncle a eu de la valeur. Du moins, on entretient sournoisement cette légende : une famille qui prétend à l'exception produit nécessairement un raté de grande envergure. L'oncle est potentiellement la plus grande réussite de la famille, un investissement à très long terme pour un risque minime. Combien de fois lui fallut-il entendre qu'il aurait pu accomplir ceci ou cela au royaume des choses intellectuelles ? Mais l'oncle n'a aucun honneur, ses résolutions du matin s'effondrent au crépuscule comme du sable. Son âme est "inerme et languissante", selon l'expression d'un enviable Portugais, poète, fumeur d'opium, auteur d'un seul recueil, qui alla s'avachir agréablement à Macao vers 1900 en compagnie d'une Chinoise et d'une tuberculose.

Observons donc une famille classique composée de cinq membres. Notons avec étonnement que sur les trois fils un seul a fait oeuvre de descendance : quelle famille peut s'enorgueillir d'un tel optimisme, d'une telle pulsion de vie ? Produire deux êtres humains réclama la coopération de pas moins de six personnes, en comptant l'aide d'une généreuse génitrice qu'on se résigna à importer par nécessité. Mais peut-être faut-il ajouter au nombre des conditions qui favorisèrent une productivité si extraordinaire les quelque dix mille volumes savants, la trentaine d'années supérieures, essentiellement masculines, que possède au total cette brillante fourmilière ?

Chaque être visiblement une tendance à émettre des jugements sur les autres, généralement négatifs, et à raisonner en termes de hiérarchie. Le but de celui qui raisonne ainsi est bien évidemment de dominer les autres, ou de croire qu'il les domine. A cet égard, la famille de l'oncle est une fabrique de jugements et de hiérarchies très performante. Son terrain est la chose intellectuelle. Pour d'autres familles, ce sera l'argent, ou le pouvoir, ou une quelconque position sociale. Parfois, toutes les conditons sont réunies. Le sommet intellectuel de la famille de l'oncle est l'ainé, sur qui se sont concentrés tous les investissements. Perchée sur son rocher comme dans un zoo, la famille lance des anathèmes et compatit aux échecs : le monde se divise en concours, grandes écoles, rangs, disciplines nobles et vulgaires, carrières, etc. Prenons un exemple : vous êtes professeur. Pour approcher l'Olympe d'où l'on vous considère avec amabilité et ironie, il vous faut répondre à des critères somme toute banals, du moins aux yeux de votre juge : tel concours, telles discipline incluant le grec et le latin, telle école prestigieuse, tel rang. Admettons que vous ayez franchi ces étapes : l'on vous écoutera soudain distraitement, avec un sourire navré, si l'on apprend que cette école prestigieuse n'est pas située dans la rue à laquelle on pensait. Quelle rue ? La rue. Mais soit... Admettons que votre école soit dans cette fameuse rue. La sympathie vous est acquise, on sent une camaraderie détendue. Mais un second interrogatoire vous attend : discernez vous de la compassion chez votre interlocuteur ? c'est que votre carrière, vos publications sont sympathiques, mais un peu éloignées de l'idée qu'on se fait ici du sommet. Un sommet aussi médiocre que le coeur de celui qui raisonne ainsi.
..."
Pierre Mérot, Mammifères, Flammarion 2003 (ou J'ai lu 2005).

Alors ? ;-))

jeudi 13 août 2009

l'année Darwin


150ème anniversaire de la publication de L'origine des espèces, en 1859. Et curieusement, je trouve dans la bibliothèque d'Ibrahim - dont j'ai déjà abondamment peint le portrait ! - un ouvrage en français, et il n'en a pas tant, intitulé "L'homme d'où vient-il ? Les réponses de la science et des écritures saintes"(Dr Michel Bucaille, éd. Seghers 1981). Un livre ancien, certes - et Dieu, s'il existe, sait combien ses créatures ont fait de découvertes en génétique et autre biochimie, depuis lors - mais plein de réflexions intéressantes et, même si (ou du fait que ?) son objectif avoué est de réconcilier les croyants, du christianisme et de l'islam, avec les avancées scientifiques en leur permettant de croire "encore", il n'est pas, à mon sens, rétrograde.

Le Coran
Pour ce qui est du Coran, que l'auteur a étudié en arabe, appris pour l'occasion, dans le texte, il ne tarit pas d'éloges sur le caractère prémonitoire d'images qui seront confirmées par la science ensuite, notamment pour ce qui concerne l'origine liquide de la vie (à la fois la vie sur terre et la reproduction humaine). Il faut reconnaître que les versets cités, et sans que je sois à même détecter d'éventuels usages abusifs, ne prêtent guère le flanc à des attaques frontales au vu des connaissances scientifiques.

La Bible
Pour la Bible, il établit immédiatement que les récits de la genèse ne correspondent eux à aucune réalité (la terre est créee avant le soleil, et le jour aussi... Ce genre de détails a fait le malheur d'une génération d'astronomes !). Un rappel historique de la constitution de la Bible, de ses multiples auteurs et des négociations qui ont dû avoir lieu entre les pères de l'Eglise, avec l'objectif de faire adopter telle ou telle pratique en lui donnant une justification supérieure. Tout cela rend la Bible - à la différence du Coran qui est directement dicté par Allah à Mahomet, puis récité mot pour mot à ses disciples pour être retranscrit tel quel, et constitue donc une parole divine à accepter en l'état dans son intégralité -, tout cela rend donc la Bible sujette à caution et à manier avec précaution. Le concile Vatican 2 a, d'après l'auteur, entériné le caractère dépassé de certains contenus de l'ancien testament et, sachant que le nouveau s'est parfois appuyé sur l'ancien...
Bref, tout autre que l'auteur (enfin, moi !) aurait conclu qu'on ne peut pas faire confiance à la Bible. Lui, classe les récits de la genèse dans les contenus visiblement écrits par des hommes biaisés par certaines intentions, et dépassés. Ce sont ces intentions, leur message, qu'il faut identifier, et oublier le contenu réel de la genèse. Moyennant quoi, il considère le reste de l'édifice biblique sauvé. Au bout de combien de branches coupées l'arbre meurt-il ?!

La science
Pour ce qui concerne la théorie de l'évolution et de la sélection naturelle, l'auteur émet des doutes sur un certain nombre de conclusions qui ont pu être tirées un peu hâtivement à l'heure où la bataille faisait rage entre des cléricaux campés sur leurs positions plus que millénaires et des scientifiques tendus à leur faire lâcher prise. L'homme, même proche du singe, pourrait néanmoins avoir fait l'objet d'une création spécifique, car on n'a pas véritablement le film du passage de l'homme au singe. Et même s'il descendait du singe, la transition à l'homme pourrait constituer en soi une création. L'auteur promeut l'idée d'une évolution créatrice, dont Dieu serait le moteur. La création ne serait plus l'oeuvre d'un début unique, de toute façon allégorique dans la genèse, mais se serait faite en continu. Une solution qui entérine bien l'enterrement du créationisme cher à la génération de nos grands-parents, mais que je trouve élégante pour laisser à Dieu une place. Qu'en pense l'Eglise ?

L'auteur relève beaucoup de questions non forcément résolues qui tournent autour de l'évolution et de la sélection naturelle. Et, à bien réfléchir, comme souvent en sciences, chaque question résolue ouvre la porte à 10 autres. Alors, si on veut bien se mettre d'accord sur la définition de Dieu comme étant ce qu'on ne comprend pas, il reste toujours assez de place pour Dieu. (là où ça se corse, c'est quand il faut commencer à caractériser ce Dieu, ce qu'il attend de nous, et en quoi ça nous ferait du bien de répéter qu'il est grand et fort, alors que lui le sait bien sans qu'on n'ait à lui en rebattre les oreilles constamment !)

Comme les chemins des voyageurs ne sont pas moins mystérieusement guidés que ceux des rois mages par l'étoile du berger, le Science & Vie no 1101 de juin 2009, semblait comme m'avoir attiré vers "le village" (non, pas "la grotte" !), un "backpackers" (auberge de jeunesse) de Kuala Lumpur. "Ce que Darwin ne savait pas. La théorie de l'évolution aujourd'hui". Finalement, cette enquête se révèle un panégyrique du savant britannique, dont la théorie sort confirmée et renforcée par les découvertes les plus récentes, même si la sélection naturelle prend des modalités qui n'avaient pas forcément étaient vues à l'époque ou si les modifications génétiques prennent des chemins transversaux qui ne sont pas ceux de l'hérédité pure. Tant mieux (autant ne pas perdre son temps sur des théories fausses). Mais c'est aussi miraculeux, et un peu inquiétant, qu'on n'ait pas trouvé mieux que le hasard pour expliquer l'évolution après 150 ans de recherches.

On aurait aimé aussi que les grandes questions qui demeurent soient rappelées, que les phénomènes troublants de survivance de formes de vie archaiques, ou, au contraire, d'évolution coordonnée vers des formes complexes, soient mis en lumière.

Quelques questions qui ne semblent pas totalement élucidées
1- Si la sélection naturelle joue entre des espèces ou des individus présentant les plus infimes différences, pourquoi pas entre des espèces totalement différentes qui cohabitent en quantités innombrables. La diversité biologique devrait se restreindre par sélection naturelle, ne laissant sur chaque environnement que quelques espèces dominatrices et peu concurrentes.

2- Si on admet que la création d'une structure complexe comme l'oeil, ou un changement radical comme le passage de l'eau à l'air, s'accommode mal de variations infimes s'étalant sur des périodes très longues, et résulte donc d'une mutation rapide "en bloc", ce que la découverte des cellules souches semble permettre, on voit toutefois mal comment des mutations laissées au hasard parviennent à ce résultat.

3- La transmission d'une mutation à la descendance me semble peiner à expliquer qu'une population (animale) entière, parfois très dispersée, mute. Certes, si cette mutation était rapide, "en bloc", on pourrait imaginer que la population mutée soit la descendante de l'individu unique muté, le reste de l'espèce s'éteignant. Mais, si c'est d'une longue série de mutations infimes qu'il s'agit, on imagine mal que l'espèce soit refondée à chaque génération par le dépérissement des individus non mutés au profit des descendants des descendants des mutés. La transmission "horizontale", non pas à la descendance mais aux congénaires, par exemple par des virus, semble bien nécessaire, et reconnue. Mais est-elle suffisante ?

4- Ne devrait-on pas observer des espèces en cours de mutation, des espèces en cours de dépérissement, et tout un continuum de variété plus ou moins favorable, emmenant la nature dans toutes les directions avant de supprimer celles qui sont les moins viables ? La paléontologie ne fournit pas plus que la zoologie, me semble-t-il, de formes intermédiaires, mais seulement des espèces abouties.

5- Ceci devrait, en particulier, s'appliquer à l'homme dont il devrait exister une variété assez hétéroclite. Au lieu de cela, et en dehors de différences d'aspect superficielles, il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une seule espèce homogène, possédant, à ce que je sache, un génome unique et universel. Doit-on en conclure, comme M. Bucaille, que l'évolution de l'homme est terminée, ce qui, au vu de l'augmentation rapide de sa taille ou de son espérance de vie (au moins dans les pays développés), ou de la complexité croissante de ses réalisations terrestres qui pourrait influer encore sur la taille son cerveau, ne paraît pas aller de soi.

Bref, certaines des intéressantes objections du Dr Bucaille ne trouvent pas vraiment réponse dans cet état des lieux de Science & Vie. Alors, ami lecteur, toi qui est plus savant que moi de ce sujet, peux-tu m'indiquer une petite bibliographie qui me déniaiserait utilement et m'éviterait de me ridiculiser publiquement à la face du monde avec mes prétentions scientifico-philosophiques ?

sept quatre cinq deux comptoir deux


La Malaisie est incontestablement un pays moderne et bien organisé. Et comme dans tout pays civilisé qui se respecte, on ne laisse pas les gens poireauter dans les files d'attente. L'hôpital général de Kuala Lumpur est, à ce titre, exemplaire.

A l'accueil des consultants extérieurs, on reçoit une fiche à compléter et un numéro. Puis on fait la queue à un comptoir voisin où on reçoit le numéro de la salle de consultation en déposant son dossier complété et réglant sa consultation. On va s'installer dans la grande salle d'attente commune des salles de consultation. Au mur, un panneau lumineux affiche les derniers numéros appelés, avec le numéro de la salle de consultation. Une clochette signale tout nouveau numéro appelé et il clignote quelques secondes.

Après avoir été appelé, avoir consulté, et constaté le besoin d'une analyse de sang, le patient est envoyé vers une autre salle donnant sur le même hall. Là, on retire un petit carton avec un numéro d'ordre. On surveille, en tendant l'oreille et en regardant quels numéros ont les voisins, l'appel de son numéro, ce qui permet de donner sa demande d'analyse de sang et d'obtenir en retour un flacon avec un autre numéro d'ordre. Un affichage lumineux fait défiler les numéros appelés au prélèvement.

Prélèvement fait, on repart avec son flacon de sang pour un autre guichet dans le même hall. On reçoit là, en échange, un ticket avec un numéro pour retirer les résultats, 7452 par exemple. Ici aussi, un affichage lumineux prévient des résultats arrivés et du comptoir où les retirer. Mais une voix de dragueuse de GPS double l'information en annonçant chaque numéro qui sort : sept quatre cinq deux comptoir deux... Sans arrêt, la voix, précédée d'un petit jingle égrène tous les nombres qu'elle connait. Si on n'était pas malade avant d'avoir ses résultats, on l'est sûrement après !

Retour chez le médecin du départ, où l'on est curieusement admis en priorité et sans numéro ! Il établit une prescription de médicaments à retirer à la pharmacie de l'hôpital. Passage au guichet d'accueil de la pharmacie pour remettre sa prescription et se voir attribuer un numéro d'ordre. Ne reste plus qu'à attendre l'appel de son numéro pour retirer ses médicaments.

Et là, c'est fini ! On essaie de se rappeler son nom.

Pour le dentiste, c'est beaucoup moins compliqué. Enfin, pour celui que j'ai fréquenté, qui travaille tout seul. Là, il suffit de prendre, depuis la station de métro la rue SS4A/1, à l'angle de la rue SS2/3, puis la rue SS3/80 à gauche avant la mosquée, et enfin la rue SS3/29 à droite. Et après, c'est comme en France !

mercredi 29 juillet 2009

Ma rencontre avec l'homme fleur


Me voici installé dans mon sampan, ma pirogue à moteur, taillée dans un tronc d'arbre. Il y a du roulis à l'embarquement. 4 heures là-dedans, vais-je tenir ? Je me souviens l'expédition avortée à Ganvié, au Bénin, il y a bien longtemps. Nous avions trop craint pour nos appareils photos, portefeuilles, et peut-être notre vie, et imploré notre commandant de bord de rentrer au port après seulement quelques dizaines de mètres.

Mais la stabilité vient avec l'élan. Mon pilote nous engage dans des virages tout en fluidité. C'est pur bonheur sur ce petit fleuve baigné de verdure. Après les tergiversations et les incertitudes liées au montage de cette expédition, c'est pure décontraction et relâchement. Je pense à ceux qui, en France, sont peut-être au rapport devant leur chef de service...

Peu à peu, la rivière se fait plus étroite, moins profonde, plus tournicotante et encombrée. Le pilotage devient un art maîtrisé par mon pilote. Une averse. Le ciel s'assombrit. La nuit arrive. Quelques efforts encore dans la pénombre. Mais nous n'arriverons pas à destination ce soir, à une demi-heure près. Arrêt près d'une "maison à cochons", une maisonnette en bois sur pilotis, toute ouverte, destinée à faire abri lorsqu'un habitant vient nourrir ses cochons ou chercher des produits de la forêt à quelque distance de chez lui.

Mes marins ne sont pas cuisiniers. Ce sera grignotage, et coucher à la dure sur une natte. Le seul luxe est une moustiquaire. Nous sommes assoupis depuis 2 heures quand des voix me réveillent. Je soulève la moustiquaire et, au milieu de la nuit, découvre mon premier homme fleur. Vétu uniquement de l'espèce de string traditionnel, d'un collier et d'un bandeau dans les cheveux, Aman Lape m'apparaît à la fois fraternel et irréel, dans mon sommeil interrompu. Derrière lui, un autre personnage aussi mystérieux que je distingue mal, quelques brindilles enflammées à la main en guise de lampe torche. De sa poitrine, il ne reste que les tétons, mais c'est bien une femme. Une petite vieille ridée, aussi chargée de bijoux et ceinte d'une espèce de pagne. A contre jour, je ne vois pas les tatouages de l'homme, mais juste la peau luisante sur un corps musclé malgré l'âge.

Ca y est, je suis bien arrivé dans ce pays mystérieux où des gens sont censés vivre comme leurs ancêtres depuis toujours !
Et il va falloir maintenant nous serrer à 5 dans la cabane à cochons pour le reste de la nuit !

les zorganisés chez les primitifs


Faut-il aller aux îles Mentawai ? Faut-il aller voir des peuples qui ont gardé de fortes traditions ancestrales au risque de les détruire par notre simple contact ? Comment aller dans un endroit où il n'y a pas de routes mais seulement des rivières et des chemins boueux dans la jungle ? Faut-il prendre un guide depuis Sumatra ou le chercher en arrivant sur l'île ?

Ces questions me travaillaient, comme elles animaient d'autres routards, alors que je goûtais les charmes des environs de Bukittinggi. Finalement, 2 jours avant le départ du ferry (il y en a 2 par semaine), je décidai d'y aller et de le faire savoir à la ronde afin qu'un guide indonésien m'agrège à un éventuel groupe en partance.
Mais de groupe, il n'y avait que celui d'Adeo , organisé depuis la France et que j'estimais au complet avec ses 7 membres.

Je partirai donc seul. Deux jeunes slovènes sont aussi en partance, sans guide, le soir. Et une Française, Jeanine, qui se jette sur moi pour me proposer de grouper nos forces. Pourquoi pas et pourquoi pas avec les 2 filles slovènes ? J'essaie de voir si les projets sont compatibles... Pour le groupe organisé de Français, c'est la sérénité d'un programme qui se déroule. Pour les individuels, tout reste à inventer.

Les Slovènes sautent du ferry, au petit matin, sans attendre personne, pour aller vers la ville, à 5 kilomètres. Je les file. Je suis de loin leur négociation avec un guide. Quand elles la croient aboutie, elles font un scandale sur des prestations qu'il avait annoncées comprises mais qui deviennent supplémentaires. Il ne veut plus y aller. Ils se rabibochent. Elles veulent bien que je me joigne à elles - il y a des frais fixes à partager - mais n'y montrent pas d'enthousiasme. Elles filent vers le débarcadère en mobylette avec leur guide...

Jeanine semble s'être agrégée au groupe des Français. Et je n'ai pas rencontré de guide convaincant. Je suis donc au point zéro. Se profile une nuit en ville pour chercher la clé pour la suite.

Au débarcadère, à midi, je demande tout de même où vont ces barques à moteur et ces pirogues qui partent ? En voilà une pour Matotonan : où est-ce ? Le village le plus éloigné en amont sur la rivière, sur la petite carte que je viens de me faire imprimer au bureau du parc national. 4 heures de pirogue à moteur. Il y a de la place à bord. Soit, départ dans une heure !

Me voilà donc parti vers le hasard, l'aventure ! Et l'aventure, après, c'est l'hébergement. Chez qui débarquer ? Et la nourriture. Me donnera-t-on à manger ? Je ne peux pas emmener une semaine de provisions comme les groupes organisés qui ont des porteurs. Comment se déplacer ? Je ne peux pas "trekker" entre les villages sans guide. Mais, c'est parti !

Comme dans la course au trésor, je rattrape et dépasse les Slovènes arrêtées sur la rive sur panne mécanique. Puis les barques des Français arrivés à destination. Plus loin que tous, je pars !

Une semaine plus tard, j'en ai eu des moments difficiles. Surtout au début, dans le village de Matotonan où la foule m'est tombée dessus pour m'arracher toutes les cigarettes du monde possibles, où les grandes déclarations d'amitié de mon hôte se sont terminées en exigences financières désagréables, où chacun voulait sa photo (vive les appareils numériques !). Mais aussi plein de moments à partager leurs palabres, leurs repas, le plancher dur de leur maison, la rivière où ils se lavent, leurs activités quotidiennes, une cérémonie pendant toute une nuit. Ne sachant jamais ce que serait le programme du jour, quand on me donnerait à manger ni quand ni comment rejoindre quelle destination suivante...

Les Slovènes, elles, ont fait vivre l'enfer à leur guide. Et probablement réciproquement. Bataillant pour faire respecter le contrat. Ne buvant que de l'eau en bouteille et se plaignant des conditions de confort. Pour finir, le ferry pour les ramener sur le continent a été annulé et elles ont dû payer les yeux de la tête pour affréter une vedette afin de ne pas manquer leur avion du lendemain !

Et les Français d'Adeo, cette aventure ? Eh bien, pas vraiment d'aventure ! Suivre le guide pendant les marches (certes difficiles et pénibles dans la boue, sur des troncs glissants, dans un paysage sans cesse renouvelé à l'identique). Se poser dans les maisons sélectionnées pour eux. La nourriture ? Ils ne l'ont jamais partagée avec les habitants puisque, après les avoir fait manger, leur guide nourrissait aussi la famille d'accueil, avec les produits ramenés de Sumatra. Le sagou que j'ai mangé tous les jours, ils l'ont juste goûté à titre culturel. Le porc qu'on me servait tous les jours ? Ils n'ont pas mangé de viande de la semaine. Les champignons, les petites moules de rivière..? Rien. Quant aux activités auxquelles ils ont assisté, il n'était que trop clair que les "démonstrateurs" étaient spécifiquement rémunérés pour chaque "show" et ils leur disaient quand il fallait prendre les photos !

Et la cérémonie à laquelle j'ai assisté une nuit entière - le rêve de tout "aventurier" aux Mentawai ! -, sans compter les plus petites liées à l'administration de "médicaments" traditionnels, ils n'en ont pas entendu parler alors qu'ils résidaient dans le même village que moi une nuit plus tôt !

Jusqu'au bâteau du retour où on les a amenés à 17.00 alors que je savais depuis midi que le départ était pour 22 ou 23.00 !

Résultat, ils sont revenus avec l'impression que les populations qu'ils ont rencontrées vivaient du tourisme en se livrant à une sorte de mise en scène à leur intention. J'ai, moi, vu des gens s'occuper tous les jours de leurs bêtes, partir à la recherche de leur nourriture dans la forêt (sagou, durian...), et pratiquer des rituels auxquels ils accordent une importance vitale. Pas le même voyage !

Pas le même prix non plus ! Sur les 2300 € qu'ils ont payé pour 3 semaines à
Sumatra (vol compris), peut-être 500 € pour l'expédition Mentawai ? Elle est vendue (la même puisque ce sont les mêmes guides locaux, mais sans l'accompagnateur français qui, dans le cas d'Adeo, ne parlait pas indonésien, à peine anglais, et n'avais jamais mis les pieds dans le coin. S'il avait été débrouillard, encore...) autour de 180 € à Bukittinggi. A peine moins sur place. Et les 9 jours, ferry compris, ont dû me revenir autour de 80 €.
Et encore, une arnaque vendue par Native Planete , sous couvert d'éco-tourisme humanitaire, où un Jean-Philippe se propose de vous emmener dans sa "famille adoptive", chiffre à 3395 € !!! (sans vols)

Alors, amis zorganisés, j'ai pitié pour vous. Certes, quand on ne parle pas indonésien - déjà que peu parlent indonésien sur l'île -, s'engager seul nécessite un gros coeur. Mais vous le faire, comme on vous le fait, est-ce que ça vaut le coup ?

PS : qui est-ce qui vient se le refaire en "sauvage" avec moi ?!

samedi 18 juillet 2009

de la modernisation de l'enseignement de la chimie organique en Indonésie


Les 3 ans qu'il a passés en France, à Montpellier, dans un labo de l'école nationale supérieure de chimie ont laissé un très bon souvenir à Ibrahim. En France, on réfléchit, on respecte... Et il en a profité pour visiter, avec sa femme qui l'accompagnait, et son jeune fils, les plus beaux endroits de notre beau pays : Paris, la côte d'azur, le Mont Saint Michel... et les pays voisins : Italie, Espagne, Pays-bas...

Il ne rêve que d'y retourner. D'ailleurs, si je le rencontre à la descente de l'avion en provenance de Jakarta, c'est qu'il revient du ministère où il est allé plaider son dossier. Une candidature pour un stage de 4 mois dans le service qu'il avait fréquenté à l'époque, à Montpellier. Objectif : la modernisation de l'enseignement de la chimie organique. En clair, aller vers une démarche participative des étudiants en lieu et place de l'exposé magistral en vigueur.

Ibrahim a 65 ans. Il doit prendre sa retraite à 70 ans. Comme il dit, c'est tout à fait normal car ce n'est pas un métier stressant. Ne doutons pas que la révolution de l'enseignement de la chimie organique en Indonésie ne soit en marche !

("une" dernière : son dossier a été refusé pour cette année. A suivre pour son 66ème anniversaire !)

dimanche 12 juillet 2009

éloge de la dénatalité

« En permettant l’homme, la nature a commis beaucoup plus qu’une erreur de calcul ; un attentat contre elle-même. » Emil Cioran.

"Homo sapiens est la pire espèce invasive.
5,2 milliards d’hectares sur 13 milliards (40 %) de terres émergées sont menacées d’une irréversible désertification.
Notre monde est passé de 250 millions à quasiment 6,7 milliards d’habitants depuis l’an 1 de l’ère chrétienne.
Pour détailler un peu et prendre le pouls démographique de chaque grande contrée, donnons quelques chiffres comparatifs depuis Jésus-Christ jusqu’à l’an 2000 : Chine (et Corée) de 70 millions à 1,280 milliard ; Inde (Pakistan et Bangladesh compris) de 45 millions à 1,320 milliards ; Japon de 300 000 à 126 millions ; Europe (et Russie) de 40 à 782 millions ; Afrique (sans l’Afrique du Nord) de 12 à 660 millions ! ; Océanie de 1 à 30 millions ; Amérique du Nord de 2 à 307 millions ! ; Amérique latine de 1 à 600 millions.
En augmentant de 4 milliards, la population planétaire a triplé depuis 1950.
Chaque jour, il y a environ 400 000 personnes en plus sur la Terre et la population actuelle de 6,7 milliards d’êtres humains s’accroît chaque année de plus de 80 millions de personnes.
..."
Michel Tarrier

Si le sujet vous intéresse - si l'avenir de l'humanité vous intéresse, quoi ! -, je tiens à votre disposition (sur simple demande par email à : bpol@voila.fr) l'article complet (une quinzaine de pages à lire en une demi-heure).
Ah oui, j'oubliais, la population humaine a été multipliée par 2 depuis que je suis né ! Pourvu que ça dure !!

Et pour ceux qui auraient plus d'une demi-heure à consacrer à l'avenir de l'humanité : "Et si l'aventure humaine devait échouer", Théodore Monod.

vendredi 10 juillet 2009

dos au mur !


Les petites serveuses de Pizza hut sont bien briefées. En Indonésie, les MacDonald's, KFC, et autres Pizza hut sont plutôt des endroits "bien". Beaucoup plus chers que les petites gargottes locales. Mais, outre l'air conditionné, les toilettes, la propreté et la nourriture occidentale, le personnel a visiblement été soumis à un courageux training. Une hôtesse vous attend donc à l'entrée de Pizza hut pour vous ouvrir la porte et vous remettre le menu. Une autre vous accompagne à votre table...

Mais il reste toujours une place pour le retour du naturel ! Je vois ainsi, un jour, une Européenne se faire guider jusqu'à une table au fond du restaurant, contre le mur. Et la serveuse de gentiment lui tirer une chaise du côté qui fait face au mur !

Tous les soirs - car je m'y suis plû et ai prolongé le plaisir de l'hospitalité d'Ibrahim -, nous allons dîner à 3, avec Ibrahim et sa femme. Je n'oublie plus jamais d'emporter ma fourrure polaire dans sa voiture (cf "un dimanche à la campagne").

Restaurant de poissons, le premier soir, au bord de la plage, enfin de l'autre côté de la route. Mes hôtes s'installent côte à côte face à la route et la mer. Le spectacle ne sera que celui du restaurant pour moi...

Le lendemain, nous allons au Texas chicken, un MacDonald's qui ne dit pas son nom. Non que le spectacle offert par les baies vitrées soit grandiose. Mais, de toutes façons, c'est le comptoir et le mur du fond qu'il m'est donné de contempler.

Hier, un restaurant un tantinet plus luxueux - puisque c'est moi qui paie ! Loger chez Ibrahim me revient sensiblement plus cher que loger à l'hôtel !-, bien qu'au décor minimaliste (ambiance union soviétique, peut-être ?). Eh bien, savez-vous ? Miracle ? Ibrahim et sa femme s'installent dos à la devanture vitrée ! Moi, j'échange un grand sourire avec le musicien qui est installé à 3 mètres de notre table et dont nous fredonnerons quelques airs dans la joie. J'échangerai un autre sourire avec lui en partant. Entre temps, je lui aurai tourné le dos pendant tout le repas !

mercredi 8 juillet 2009

L'oeil regardait-il Ibrahim ?


Je demande à Ibrahim où il logeait pendant ses 3 jours passés à Jakarta. Peut-être chez des amis ?
- Non, à l'hôtel, c'est mieux.
- Pourquoi ?
- Parce qu'on peut faire venir des filles.
- Ah ! Mais quand on est musulman, on a le droit de faire ça ?
- Bien-sûr, si la femme ne le sait pas ! Sinon, ça crée des problèmes.

Comme tous les musulmans tiennent ce discours avec la même décontraction, je crois que je vais choisir le ciel des musulmans plutôt que celui des chrétiens : on peut l'avoir pour moins cher. L'oeil ne semble pas regarder Caïn pourvu qu'il soit dans une chambre d'hôtel !

mardi 7 juillet 2009

le chat d'Ibrahim

Le chat d'Ibrahim est blanc avec quelques tâches rousses. Pas bien gros, comme la plupart des chats indonésiens. Il est calme et mignon. Et si je ne le caresse pas, c'est juste qu'on n'est jamais sûr que les chats d'ici sont bien propres. Mignon, en fait, surtout de son profil gauche. Car je découvre qu'il a le cou complétement déchiré sur le côté droit. Sans doute un chien qui lui a enlevé tout un morceau de peau, comme si on l'avait attrapé par la peau du cou et qu'elle nous était restée dans la main. On voit donc "dedans". C'est horrible. J'en ai encore le cou qui se crispe rien qu'à y penser.

Personne ne s'occupe de lui. Ou plutôt, pfff, pfff, on le pousse dehors de la maison. Visiblement, il n'aura pas droit au vétérinaire. Comment peut-on guérir d'un truc pareil ? Il faudrait au minimum des points de suture, un traitement pour aseptiser cette ouverture... Il doit mourir un jour où l'autre, je ne vois pas d'autre issue. Mais, en attendant, il déambule calmement, nous offrant son lambeau en spectacle. Probablement n'aurais-je pas été de ceux qui tendent la main aux lépreux : je détourne le regard et lui refuse tout geste d'affection, dont il aurait probablement besoin pour quitter apaisé ce monde.

Voilà un moment que je n'ai plus vu le chat d'Ibrahim. Un soulagement. Mieux vaut ne pas voir la misère qu'on ne peut soulager. J'évite de demander où il est passé. Je me contenterais volontiers d'imaginer qu'il est allé s'éteindre au fond du jardin, empoisonné par les microbes plus vite que je ne le pensais, et sans trop souffrir. Je préfère ne pas savoir.

En prenant la voiture, hier soir, pour aller dîner, Ibrahim me dit :
- ma femme est triste
- pourquoi ?
- parce que mon fils a jeté le chat à la rue
- comment cela ?
- oui, il avait peur qu'il contamine la maison, alors il l'a jeté aux voitures
- il l'a jeté sur la route pour le faire écraser ?
- non, avec notre voiture.
- il l'a écrasé avec votre voiture ?
- oui.

Paix à l'âme du chat d'Ibrahim.

lundi 6 juillet 2009

Un dimanche à la campagne


Je profite d'une place qui se libère à l'avant du bus qui mène de l'aéroport au centre de Padang. "Vous êtes français ?" m'interpelle un homme sur le siège d'à côté. "Oui, comment le savez-vous ?". "Votre guide du routard : Indonésie, écrit en français" (je venais de l'échanger contre mon vieux lonely planet en anglais et quelques roupies dans un "book exchange" : ça tient à peu de choses !).

Ibrahim est professeur de chimie organique à l'université de Padang. Il a passé trois ans dans un laboratoire de Montpellier il y a 20 ans. Et je ne crois pas avoir rencontré Indonésien qui parle aussi bien le français. Il me propose derechef d'aller loger chez lui, ce que j'accepte illico.

Sitôt dans la voiture avec laquelle son fils est venu nous chercher à l'arrêt de bus, il me dit : "Demain je vous emmène visiter les environs, d'accord ? Mais vous payez l'essence ; moi, je fournis la voiture, ça va ?" Ca paraît un très bon deal ; j'accepte bien volontiers.

Il s'avère que tous les dimanches il emmène sa femme faire un tour - cette semaine, l'essence sera donc gratuite !-. Un grand tour, même. Je fais de la résistance sur le tour proposé : il veut me faire faire en un jour le programme que j'ai prévu pour une semaine ! Et à la vitesse à laquelle on circule en Indonésie, on n'aura pas beaucoup le temps de sortir de la voiture !

Mais pour le moment, on va dîner, en voiture. La clim souffle fort. Je tempête avec humour contre ce vent froid qui me gèle. Ca le fait rire. Au retour, il tournicote gaiement pour me montrer la ville. Je suis frigorifié quand nous rentrons à la maison. Il s'excuse pour l'absence de clim dans ma chambre, contrairement à la sienne et celle de son fils. Je lui dis que ça ira très bien !

Nous embarquons donc en ce dimanche matin, moi avec ma polaire que j'enfile rapidement. Amusement dans la voiture ! Ces Européens !

Nous passons à la pompe : c'est ma participation à l'excursion ; au moins, ce sera fait.

Agréable route de montagne. Végétation luxuriante comme celle de la montée de Tucuman à Tafi del Valle (pour ceux qui ont suivi mes aventures précédentes en Amérique du sud ! benoitpollet.blogspot.com). Elle serait parfaite pour un tour en vélo si la circulation n'y était pas embouteillée en diable. Des camions bâchés - chargés de charbon comme le démontre parfaitement un camion renversé à l'extérieur d'une épingle à cheveux, tout son chargement répandu - croisent des armées de minibus, mobylettes et voitures. Tout ce monde se met au pas du véhicule le plus lent dans cette montée assez rude. Une bifurcation nous extrait vers un peu plus de calme et de beaux lacs, à 1500 m d'altitude, probablement vestiges d'une ancienne caldeira que domine le volcan Palang dont s'échappent des vapeurs blanches. Merci, Ibrahim, de m'avoir sorti des itinéraires du guide du routard pour découvrir ce bel endroit.

Soudain, Ibrahim s'arrête sur le bord de la route. "Qu'est-ce qu'on fait ?". "Pause, c'est dangereux de rouler avec la fatigue". OK, je fais comme lui, j'allonge le siège (lui le déplie sur les genoux de sa femme qui fait du crochet à l'arrière). Après 30 secondes, il se redresse, boit un coup, relève le siège, et démarre. "Déjà ?". "Oui, ça suffit".

Je demande à Ibrahim s'ils profitent de ces sorties du dimanche pour rencontrer du monde. "Non, juste ma femme et moi. On aime voir les paysages. On ne rencontre personne". De fait, il m'annonce peu après que nous allons passer à sa maison de jeunesse, où nous sommes reçus par la "famille". Notre arrivée n'était pas annoncée mais, pendant qu'Ibrahim et sa femme font, chacun de leur côté, leur gymnastique tournés vers la Mecque, des plats s'installent sur la table basse du séjour. En partant, Ibrahim leur glisse un billet de 20000 roupies (1.5 €, ce qui n'est pas négligeable au niveau des prix local).

Nous ne sommes pas repartis depuis 10 minutes qu'Ibrahim stoppe la voiture sur le bord de la route ; enfin 2 roues sur le bas-côté, et le reste sur la chaussée. Et nous avons rejoint la grand route ! "Fatigué, c'est dangereux", dit-il en dépliant son fauteuil de conducteur. Je fais de même tout en faisant remarquer que nous ne sommes pas très bien garés et que c'est un peu risqué. En fait, c'est terrifiant ! Devoir faire la sieste à moitié sur la chaussée d'une route fréquentée ! Heureusement, cela ne dure pas plus de 30 secondes, à nouveau.

Nous ne sommes pas repartis depuis quelques minutes et plus qu'à quelques centaines de mètres du lac de Singkarak, qu'on aperçoit déjà, qu'Ibrahim se gare à nouveau. Cette fois nous sommes à l'abri. Et c'est au moins 12 minutes de repos.

Le lac de Singkarak est scintillant dans le soleil de l'après-midi. On le longe comme le lac du Bourget entre Aix-les-bains et Chindrieux. Un arrêt dans une guinguette. Un autre devant une belle cascade.

La circulation redevient dense sur le retour vers Padang, mais nous avons passé une belle journée. Pas tout à fait finie toutefois, car nous repassons à la pompe. Eh oui, puisque c'est moi qui paie, aujourd'hui !

vendredi 26 juin 2009

le mouvement perpétuel indonésien


Agus, 40 ans, est professeur à l'université de Mataram. Spécialisé dans l'aménagement des ports et des plages (de l'hydraulique du littoral, dirons-nous). Je l'ai connu par l'intermédiaire de son frère Herwin, moniteur de plongée, et propriétaire présumé d'un terrain sur l'île de Moyo, où nous avions rêvé, l'an dernier, de monter des bungalows, un centre de plongée...

Depuis une semaine, je loge chez Agus mais, ce matin, à 7 heures, au petit-déjeuner, il m'annonce qu'il a inventé le mouvement perpétuel ! Enfin, pas vraiment. Il a reçu un formulaire à renvoyer à une association qui soutient des projets verts et dont il a, me dit-il, reçu l'accord de principe. Ah, projet vert ! En Indonésie, ce n'est pas si courant ! De quoi s'agit-il ?

Il veut produire de l'électricité. Je comprends qu'il s'agit d'hydroélectricité et je demande des détails : sur une rivière ? l'énergie des vagues ? Agus attrape une feuille blanche, me dessine un réservoir d'eau, une pompe qui envoie l'eau verticalement dans une canalisation, un coude redirige l'eau vers le bas, elle se jette sur une turbine (roue à aubes) pour terminer sa course dans le réservoir initial ; la turbine entraîne la pompe et un alternateur qui produit de l'électricité.

Je suis scotché à mon fauteuil ; j'ai sans doute mal compris.

- Tu produis de l'électricité à partir d'un circuit fermé d'eau, Agus ?
- Oui, c'est cela.
- Mais, Agus, tu ne peux pas tirer d'énergie d'une "boite fermée" dont l'état est inchangé dans le temps : l'eau tourne sans, globalement, modification d'altitude ou de vitesse ; il n'y a pas de réaction chimique ou nucléaire modifiant l'état de l'intérieur de la boite...
Je lui dis :
- Agus, on ne peut pas produire d'énergie à partir de rien : tout se transforme, rien ne se crée ! L'homme a rêvé au mouvement perpétuel depuis longtemps mais le débat a été clos il y a quelques centaines d'années. Non seulement tu crées un mouvement perpétuel, mais, en plus il produit de l'énergie : encore mieux !
- Je lance la roue à vitesse suffisante pour compenser les pertes. Après la pompe, un rétrecissement du tuyau produit un effet d'accélération (NDLA : effet Venturi) qui envoie l'eau avec plus de force sur la roue.
- Agus, ton système ne produit pas d'énergie, il en consomme. Sans même d'alternateur, l'eau, la roue, et la pompe vont ralentir puis s'arrêter. Imagine un tuyau en rond dans lequel on arriverait à mettre l'eau en mouvement, c'est ton principe : de l'eau qui tourne. Sans pompe, sans turbine, tout simple. Eh bien, que se passerait-il ? Au bout d'un moment, à cause des frottements, l'eau s'arrêterait de tourner. Sans avoir rien produit comme énergie que de la chaleur due au frottement : de l'énergie "perdue". Et si tu rajoutes des artifices, comme une pompe et une turbine, tu ne crées que des sources de perte d'énergie par frottements supplémentaires. Tout s'arrête. La turbine ne peut même pas récupérer l'énergie consommée par la pompe : il faudrait que l'eau chute de la hauteur dont elle a été montée, c'est à dire que la turbine soit exactement au niveau de l'eau du réservoir, ce qui est techniquement impossible, et qu'elle ait un rendement de 100 %, alors que c'est peut-être la moitié... Ton effet Venturi ne fait que transformer une énergie qui a la forme d'un gros volume circulant à petite vitesse en un petit volume circulant à grande vitesse : le débit est inchangé, l'énergie est inchangée. S'il suffisait de réduire le diamètre d'un tuyau pour augmenter l'énergie du fluide qui y circule, ça se saurait !
- Mon projet a déjà été validé par l'association qui subventionne.
- Mais, Agus, ils ont dû mal comprendre. Tu connais les règles de base de la thermodynamique : l'énergie peut changer de forme mais elle n'augmente jamais : d'où vient l'énergie que tu récupèrerais dans ton alternateur ? As-tu soumis ton idée à des profs de thermodynamique, des gens qui enseignent l'énergie cinétique et l'énergie potentielle ?
- J'en ai discuté avec les techniciens de l'université. Ils me construisent un prototype.
- Mais, Agus, si ça marchait, tu deviendrais plus connu qu'Einstein. Tu remettrais en cause un des fondements de toute la physique connue à ce jour et depuis des siècles.
- Je t'enverrai un mail quand ça marchera.
Tout cela avec la plus imperturbable bonne humeur.

Bon, je crois qu'il vaut mieux passer au pancake du petit-déjeuner. Et remettre à plus tard la résolution des problèmes énergétiques planétaires...

NB : le mouvement perpétuel indonésien existe bien : il suffit de mettre le nez dehors à peu près n'importe où dans ce pays pour s'en rendre compte. Mais, celui-là, pour sûr, ne sauvera pas le monde !