lundi 6 juillet 2009

Un dimanche à la campagne


Je profite d'une place qui se libère à l'avant du bus qui mène de l'aéroport au centre de Padang. "Vous êtes français ?" m'interpelle un homme sur le siège d'à côté. "Oui, comment le savez-vous ?". "Votre guide du routard : Indonésie, écrit en français" (je venais de l'échanger contre mon vieux lonely planet en anglais et quelques roupies dans un "book exchange" : ça tient à peu de choses !).

Ibrahim est professeur de chimie organique à l'université de Padang. Il a passé trois ans dans un laboratoire de Montpellier il y a 20 ans. Et je ne crois pas avoir rencontré Indonésien qui parle aussi bien le français. Il me propose derechef d'aller loger chez lui, ce que j'accepte illico.

Sitôt dans la voiture avec laquelle son fils est venu nous chercher à l'arrêt de bus, il me dit : "Demain je vous emmène visiter les environs, d'accord ? Mais vous payez l'essence ; moi, je fournis la voiture, ça va ?" Ca paraît un très bon deal ; j'accepte bien volontiers.

Il s'avère que tous les dimanches il emmène sa femme faire un tour - cette semaine, l'essence sera donc gratuite !-. Un grand tour, même. Je fais de la résistance sur le tour proposé : il veut me faire faire en un jour le programme que j'ai prévu pour une semaine ! Et à la vitesse à laquelle on circule en Indonésie, on n'aura pas beaucoup le temps de sortir de la voiture !

Mais pour le moment, on va dîner, en voiture. La clim souffle fort. Je tempête avec humour contre ce vent froid qui me gèle. Ca le fait rire. Au retour, il tournicote gaiement pour me montrer la ville. Je suis frigorifié quand nous rentrons à la maison. Il s'excuse pour l'absence de clim dans ma chambre, contrairement à la sienne et celle de son fils. Je lui dis que ça ira très bien !

Nous embarquons donc en ce dimanche matin, moi avec ma polaire que j'enfile rapidement. Amusement dans la voiture ! Ces Européens !

Nous passons à la pompe : c'est ma participation à l'excursion ; au moins, ce sera fait.

Agréable route de montagne. Végétation luxuriante comme celle de la montée de Tucuman à Tafi del Valle (pour ceux qui ont suivi mes aventures précédentes en Amérique du sud ! benoitpollet.blogspot.com). Elle serait parfaite pour un tour en vélo si la circulation n'y était pas embouteillée en diable. Des camions bâchés - chargés de charbon comme le démontre parfaitement un camion renversé à l'extérieur d'une épingle à cheveux, tout son chargement répandu - croisent des armées de minibus, mobylettes et voitures. Tout ce monde se met au pas du véhicule le plus lent dans cette montée assez rude. Une bifurcation nous extrait vers un peu plus de calme et de beaux lacs, à 1500 m d'altitude, probablement vestiges d'une ancienne caldeira que domine le volcan Palang dont s'échappent des vapeurs blanches. Merci, Ibrahim, de m'avoir sorti des itinéraires du guide du routard pour découvrir ce bel endroit.

Soudain, Ibrahim s'arrête sur le bord de la route. "Qu'est-ce qu'on fait ?". "Pause, c'est dangereux de rouler avec la fatigue". OK, je fais comme lui, j'allonge le siège (lui le déplie sur les genoux de sa femme qui fait du crochet à l'arrière). Après 30 secondes, il se redresse, boit un coup, relève le siège, et démarre. "Déjà ?". "Oui, ça suffit".

Je demande à Ibrahim s'ils profitent de ces sorties du dimanche pour rencontrer du monde. "Non, juste ma femme et moi. On aime voir les paysages. On ne rencontre personne". De fait, il m'annonce peu après que nous allons passer à sa maison de jeunesse, où nous sommes reçus par la "famille". Notre arrivée n'était pas annoncée mais, pendant qu'Ibrahim et sa femme font, chacun de leur côté, leur gymnastique tournés vers la Mecque, des plats s'installent sur la table basse du séjour. En partant, Ibrahim leur glisse un billet de 20000 roupies (1.5 €, ce qui n'est pas négligeable au niveau des prix local).

Nous ne sommes pas repartis depuis 10 minutes qu'Ibrahim stoppe la voiture sur le bord de la route ; enfin 2 roues sur le bas-côté, et le reste sur la chaussée. Et nous avons rejoint la grand route ! "Fatigué, c'est dangereux", dit-il en dépliant son fauteuil de conducteur. Je fais de même tout en faisant remarquer que nous ne sommes pas très bien garés et que c'est un peu risqué. En fait, c'est terrifiant ! Devoir faire la sieste à moitié sur la chaussée d'une route fréquentée ! Heureusement, cela ne dure pas plus de 30 secondes, à nouveau.

Nous ne sommes pas repartis depuis quelques minutes et plus qu'à quelques centaines de mètres du lac de Singkarak, qu'on aperçoit déjà, qu'Ibrahim se gare à nouveau. Cette fois nous sommes à l'abri. Et c'est au moins 12 minutes de repos.

Le lac de Singkarak est scintillant dans le soleil de l'après-midi. On le longe comme le lac du Bourget entre Aix-les-bains et Chindrieux. Un arrêt dans une guinguette. Un autre devant une belle cascade.

La circulation redevient dense sur le retour vers Padang, mais nous avons passé une belle journée. Pas tout à fait finie toutefois, car nous repassons à la pompe. Eh oui, puisque c'est moi qui paie, aujourd'hui !

2 commentaires:

  1. Je constate que tu as trouvé une nouvelle famille à l'autre bout du monde, mais que ça n'a pas l'air toujours facile. Après quelques jours d'apprentissage tu devrais être au top! Courage donc!
    Y aura-t-il des photos sur ton blog ?

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  2. Qui es-tu "anonyme" ?!
    Je ne suis pas parti pour faire un site de photos comme en Amérique latine (http://picasaweb.google.com/benicano) : trop paresseux et pas assez inspiré par la photo pour le moment, mais, qui sait..? Une photo relative aux histoires, ça devrait se faire de temps en temps, mais mes histoires ont rarement une belle image, et les belles images pas forcément une histoire... Vous voulez vraiment la photo du chat d'Ibrahim ?!!

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